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    Edito
 
 
La domestication des animaux d’élevage a été le moyen pour l’homme de faciliter sa consommation en cuirs, peaux, viandes, graisses, lait, os, tendons, et même en déjections utilisées pour la fertilisation des sols ou pour leur combustion. Les animaux d’élevage ont aussi servi de moyen d’épargne économique et, jusqu’à l’avènement de la machine à vapeur puis des différentes formes de moteurs, leur énergie est l’une des rares à avoir pu être utilisée à la place de celle des humains, pour tracter, pousser, porter…
Avec des degrés d’intensité et selon des modalités variables, les animaux d’élevage et leurs produits ont, depuis cette domestication, occupé une place centrale dans l’organisation économique de toutes les sociétés.

Mais, ne serait-ce que pour des raisons techniques et matérielles, cette place a évolué : émergence de nouvelles sources d’énergie, émergence des engrais chimiques, émergence de substituts aux cuirs et colles puis d’autres matériaux inertes produits industriellement... À visée initialement multifonctionnelle, l’élevage s’est mué en une activité économique spécialisée sur la fourniture quasi exclusive de son produit principal : l’aliment.
Cette altération reste partielle : l’élevage des animaux de boucherie continue de remplir diverses fonctions, notamment écosystémiques avec l’entretien des cycles biogéochimiques du carbone et de l’azote par prélèvement et retour de matière organique au sol, le maintien de la biodiversité des sols ou la contribution à l’atténuation du changement climatique  via le maintien de prairies permanentes. Et les animaux d’élevage continuent malgré tout de fournir de nombreux coproduits et sous-produits tels que graisse, cuir ou os, dont les utilisations ont quelque chance de se multiplier sous l’impulsion de la bioéconomie.
Mais, dans les sociétés occidentales, ces fonctions autres que productrices d’aliments sont devenues secondaires et surtout, elles ne sont plus guère connues ou même perçues, hors des cercles de spécialistes.

Aujourd’hui, cet oubli des fonctions autres qu’alimentaires de l’élevage conduit à ce que, dans notre société, la finalité centrale de la domestication des animaux de boucherie – la fourniture de viande et d’aliments pour la consommation humaine – soit d’autant plus facilement remise en cause. Il s’accompagne en outre de questionnements de l’opinion sur les conditions d’élevage et d’abattage, sur les apports nutritionnels des produits animaux et leurs effets sur la santé, sur les impacts environnementaux de la production de viande ou encore sur le statut des animaux de rente.

Ces multiples questionnements conduisent à s’interroger sur la nature des liens que nous entretenons, nous-même et notre société, avec la viande et les animaux d’élevage. Quels sont ces liens ? Sont-ils en train d’évoluer de façon particulièrement notable ? De quelle manière ? Sur quels plans ? Fait-on face à de simples « refus de… » (…manger de la viande, …domestiquer et élever des animaux, …user de leurs produits, etc.) ?  Ou bien s’inscrit-on dans des dynamiques plus profondes, concernant notamment nos repères et connaissances de ce qui fonde notre alimentation, notre façon de percevoir et de concevoir le monde, ou encore de construire des règles et usages collectifs partagés ?

En vue de contribuer à la réflexion sur ces questions, le CIV – Viande, sciences & société, centre de médiation scientifique et de réflexion spécialisé dans l'analyse des impacts sociétaux des filières élevage et viandes, a souhaité organiser un colloque intitulé :
 
                             « Animal, viande et société : des liens qui s'effilochent »

Sans prétendre à l’exhaustivité, ce colloque déclinera ces questions sous quelques angles clés : celui de la production et gestion des espaces et territoires, celui de la construction des règles et usages communs, ou encore celui du statut juridique de l’animal d’élevage.
Ceci amènera à vérifier si les évolutions éventuelles de ces liens – qui renvoient a priori à des ancrages très profonds des structures de notre société – se traduisent ou non, dans les pratiques des consommateurs, et comment les acteurs de ce secteur en tiennent compte.
À l’aune de cette double analyse, il sera alors temps d’ouvrir une réflexion philosophique sur la conception que les hommes ont d’eux-mêmes et des animaux.


Nous vous attendons nombreux pour participer à ce colloque le mardi 31 mai 2016 à l'Institut Pasteur (Paris).


 
 
 

Pierre-Michel Rosner
Directeur